SOLO SHOW:
JEAN-PIERRE PINCEMIN
C’est dans les salles du Louvre que le jeune Jean-Pierre Pincemin découvre la peinture des grands maîtres de l’histoire de l’art. La rencontre avec le galeriste Jean-Fournier en 1965 va le mettre en contact avec une jeune génération d’artistes d’avantgarde, notamment, Simon Hantai, Claude Viallat, ou ceux qui allaient constituer le groupe Supports / Surfaces. Jean-Fournier dit à Pincemin qu’il est fait pour être peintre.
Prenant cette recommandation très au sérieux, naissent alors les premières oeuvres, Carrés-Collés un temps, suivant des recherches proches de celles de Supports / Surfaces, puis Palissades. Celles-ci sont élaborées selon des schémas prédéfinis, la toile est découpée en bandes, trempées dans des bains de peintures, puis assemblée suivant des compositions orthogonales.
Au début des années 80, il se libère progressivement de la trame qui structurait ses oeuvres, aidé par l’influence de la gravure qu’il commence à explorer, et revient également au pinceau et à la peinture à l’huile. Ces compositions géométriques de la
première moitié des années 80 poussent jusque dans leurs extrêmes limites les recherches menées avec les Carrés Collées et les Palissades. Pincemin démontre à ce moment-là que c’est un peintre qui va au bout de sa peinture. Peints et non plus collés entre eux, les différents espaces picturaux gardent le principe d’assemblage qui avait animé les palissades. Mais cette main qui peint se fait discrète et se dissimule derrière une multiplication de couches de peinture qui induit deux choses : une picturalité exacerbée, créant des effets de brillance tendant à l’opalescence, une densité extraordinaire ; et un "temps de peindre" transformé par l’exigence de patience que réclame la peinture à l’huile. Début 87, dans une exposition intitulée "L’Année de l’Inde" tenue à la Galerie de France, il présente 15 toiles figurant animaux, arbres, feuilles, motifs floraux, etc.… marquant la maturité d’un processus d’émancipation de sa peinture à la trame, sensible en gravure et dans quelques rares peintures depuis 1980. Dès lors son oeuvre se démultiplie, même si des permanences de style se dégagent : facture épaisse, peinture travaillée par strates, couleurs composées, traits sinueux, attachement à la toile-cadastre et au cadre / bordure peint.
Jamais frénétiques, les oeuvres de Pincemin, bien au contraire, sont déterminées et denses. Les couleurs toujours très nuancées et travaillées, inimitables, et les teintes les plus froides à celles incandescentes, toujours frappent l’oeil par leur évidence terrible.
Après « l’Année de l’Inde », si les motifs se diversifient considérablement, Pincemin n’abandonne pas pour autant l’abstraction. On voit réapparaître régulièrement les compostions tripartites, dont il décline les formats, mais aussi de nouvelles compositions abstraites, figurant carrés ou cercles, où l’on retrouve l’esprit de construction et la planéité d’une surface architecturée qui caractérisait les Palissades et les compostions à trois bandes.
Poursuivant son exploration des formes, apparaissent dès 1988 des sujets religieux (des Marie Madeleine, des saint Christophe, des saint Roch, des saintes Radegonde, etc..), mais aussi des Créations du Monde, des Danses Macabres, des Chasses au Tigre, des sujets érotiques même. Toute cette diversité d’influences (iconographie religieuse classique, exotiques avec les représentations de Vierge héritées de l’iconographie byzantine, ou les images venues d’Indes (bestiaire, éléments floraux, etc..), participe d’une réinterprétation de sujets issus de l’iconographie classique de l’histoire de l’art Européen, mais aussi à une appropriation de motifs tirés de répertoires exotiques. Contrairement à de nombreux peintres de sa génération, Pincemin se réfère directement aux maîtres anciens, dynamitant toute idée de distinction art moderne / art classique. Sa curiosité, son désir de liberté, d’exploration ne se soumet à aucun carcan.
Car c’est là que réside une des clefs de son oeuvre. Ce courage, cette liberté, cette impertinence presque, de ne se laisser enfermer dans aucun cadre artistique, dans aucun style. Pincemin est un explorateur, naviguant librement, et prenant, toujours, un plaisir immense à peindre et à créer : « Je ne saurais me passer de la peinture comme lieu de volupté ». Son art existe dans l’universelle mythologie de l’artiste. A une époque où beaucoup de jeunes artistes se sont inscrits dans des phénomènes de surface, ont rejoint des écoles, des groupes, embrassant des théories, Pincemin lui n’est guidé que par la force de son intériorité, et le plaisir jubilatoire de sa pratique artistique. Non pas le reflet de systèmes artistiques éphémères, son oeuvre, s’attachant à un intemporel créateur, porte en elle toutes les images d’une mémoire, images inexplicables et évidentes.