/TEXTE/ Jean-Pierre Pincemin

Une introduction à l'œuvre - Par Hugo Dufon

EVEIL

 

Jean-Pierre Pincemin est né le 7 avril 1944 à Paris. Une époque sévère. De ces premières années de l’existence, Pincemin nous dit peu chose. « Je n’étais ni heureux ni malheureux, j’avais un environnement et pas assez d’imagination pour en penser un autre [1]». Et c’est à peu près tout. Pudeur probablement. 

 

Son départ pour Cachan et l’école d’apprentissage où il prépare un CAP de tourneur sera le déclencheur d’une rencontre fondamentale avec l’univers artistique et les arts. Encouragé par l’enthousiasme d’un professeur de dessin pour les grands maitres classiques et l’histoire de l’art, Pincemin fait des salles du Louvre un lieu de visite régulier. Les vendredis après-midi, profitant de la liberté - parfois provoquée - de son emploi du temps, il s’échappe pour Paris se perdre parmi les grands maitres de la peinture. C’est aussi à ce moment qu’il se passionne pour le jazz, le cinéma, la musique savante, mais aussi l’art moderne. 

 

Une fois son diplôme obtenu, Pincemin effectue son service militaire. La vie de caserne, les ordres, la discipline des capots, des choses auxquelles il s’accommode mal. Transféré dans le service administratif et soignant de son régiment, sa situation prend néanmoins un tournant nettement plus agréable. Il noue avec le médecin militaire dont il est préposé une relation de complicité lui permettant de se sentir beaucoup plus à l’aise au sein de cette organisation. Dans un des greniers des bâtiments médicaux, il trouve de vieux draps, de l’iode, du bleu de méthylène, du mercurochrome. De ces trouvailles naissent ses premiers gestes et ses premières peintures.

 

A l’occasion d’une permission, toujours entre le Louvres, les galeries d’art de la rive droite et celles plus avant-gardistes de la rive gauche il fait la rencontre de Jean-Fournier, galeriste défendant une nouvelle génération d’artistes français incluant Sam Francis, Simon Hantaï, Jean Degottex, mais aussi Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier, et Niele Toroni qui devaient former le groupe B.M.P.T et participer à évincer toute idée de figure ou de représentation de la peinture, la délestant de toute forme symbolique en utilisant des procédés graphiques prédéfinis et automatisés. Fournier et Pincemin tissent immédiatement une relation de complicité forte. 

 

Ayant fini son service militaire, Pincemin est engagé à la SNECMA (Société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation) pour laquelle il sera ouvrier tourneur jusqu’en 1972. « Chacun faisait des « bricoles » (…). A la SNECMA, Minouche fabriquait ses objectifs et téléobjectifs d’appareil photo au tour. Dans d’autres ateliers j’ai vu fabriquer des pots d’échappement de voiture « tout acier inoxydable [2]». Ce savoir-faire technique, ce goût de la construction, des assemblages, du recyclage font partie des éléments constitutifs de son apprentissage et irradieront dans toute son œuvre. 

 

Parallèlement, Pincemin continue son exploration du monde de l’art guidé par une soif de découverte de ces univers qui se dévoilent à lui et l’influence de Jean-Fournier. En 1966, il assiste à l’exposition « B.M.P.T » (juillet–septembre 1966) à la galerie Jean Fournier. Il se trouve en contradiction avec leur position, qu’il trouve inutilement provocatrice, regrettant particulièrement l’absence du sujet-peintre rejeté avec force par le groupe. Il pense plutôt qu’il faut mettre ce dernier à distance mais moins frontalement : « alors j’ai éliminé le pinceau qui est ce que relie le sujet-peintre à la toile [3]». 

 

 

 

 

A partir de 1967, stimulé par ses lectures, ses visites d’expositions et l’entourage de Jean Fournier, Jean-Pierre Pincemin commence à travailler sur ses premières œuvres. Après de premières expérimentations (on lui connaît notamment une sculpture, construction de morceaux de bois géométriques peints, avec laquelle il participa au Salon de la Jeune Sculpture, dans les jardins du Palais Royal à Paris organisé en 1967), son travail se structure autour de la technique de l’empreinte. Briques, tôles, éléments de récupération sont plongées dans la peinture et appliqués sur les toiles. Cette technique, par la mise à distance de la main de l’artiste qu’elle induit, n’est pas sans rapport avec les recherches entamées par le groupe B.M.P.T. 

 

Jean Fournier, à qui Pincemin montre ses premières œuvres, l’encourage à poursuivre ses recherches esthétiques, lui disant qu’il est fait pour être peintre. « J’ai pris cela très au sérieux » avouera Jean-Pierre Pincemin dans le texte autobiographique Monkey Business. Comme un symbole de ces encouragements, Fournier lui offre « Éloge de la main » d’Henri Focillon. Il lui parle également de Claude Viallat avec qui il travaille, et qui poursuivait aussi des expérimentations avec la technique de l’empreinte. Pincemin assistera à une exposition de ce dernier en 1968 à la galerie Jean Fournier. « L’exposition de Claude Viallat en 68 fut agréable, généreuse et pour moi bénéfique - l’idée de toile libre laissait comprendre des possibilités extensives d’écriture, d’organisations de structures avec des composantes internes, la signification par des poly structures et mieux encore une mise en place sans savoir-faire – autrement dit, juste ce que je savais faire.[4]».

 

C’est à ce moment-là que Pincemin entame la création des Carrés-Collés. Fondés sur un système de composition prédéterminé, il découpe des morceaux de toile de récupération, les plonge dans la teinture (qu’il préfère à la peinture jusqu’au début des années 70), puis les assemble selon le schéma préétabli. La toile recomposée est laissée libre, c’est à dire non tendue sur châssis. Ce mode opératoire, où l’automatisme du geste se conjugue à la répétition de séquences préconçues et à l’aléatoire de l’imprégnation de la teinture sur la toile, est alors assez proche des recherches des artistes minimalistes américains de l’époque (dont il connaît le travail via la presse artistique qui relaie les travaux des artistes outre-Atlantique), et des avant-gardes françaises, notamment les artistes défendus par Jean-Fournier (on pense aux questionnements esthétiques posés par B.M.P.T, mais aussi à ce que peuvent faire Claude Viallat ou Simon Hantaï avec les toiles libres). Tous ont alors en commun une remise en cause du support dans sa conception traditionnelle, un questionnement quant à la persistance du couple main /pinceau, et par là même la trace directe du sujet-peintre, ainsi qu’une organisation compositionnelle de l’espace pictural analysé et mis à nu. Notons par ailleurs que l’utilisation de teintures et de toiles de récupération découpées et collées est alors pour le jeune Pincemin une façon accessible de créer de grands formats avec des moyens réduits.

 

En 1969, il est invité par l’école spéciale d’architecture de Paris afin d’organiser une exposition. Il fait alors appel à Viallat pour l’aider. Après avoir sollicité le groupe B.M.P.T, qui refuse de participer, l’exposition « Le besoin de s’appuyer sur la tradition » (14 avril – 14 mai 1969) présente finalement des œuvres de Pincemin et Viallat, mais aussi de Noël Dolla, Bernard Pages, Daniel Dezeuze, Marcel Alocco et Patrick Saytour. Cette exposition concrétise un rapprochement de Pincemin avec ces artistes, préfigurant l’exposition de 1970 organisée par l’ARC (Animation – Recherche – Confrontation), au musée d’art moderne de la ville de Paris, formalisant le groupe Supports/Surfaces qui se structure pour l’occasion, mais sans Pincemin. 

 

 

 

 

On retrouve souvent le nom de Pincemin associé à Supports/Surfaces. S’il a côtoyé les artistes du « groupe » (qui n’en est pas vraiment un d’ailleurs) et participé à quelques expositions, son implication à Supports/Surfaces est très marginale. Dans un entretien réalisé par Bernard Lamarche-Vadel, Pincemin raconte son « implication marginale au groupe » et explique « je n’ai été mêlé ni à sa création, ni à ses contradictions. J’ai seulement été invité en 71 au Théâtre de la cité Universitaire avec Arnal. Pour le groupe Supports/Surfaces, c’était important de monter que ça s’étendait [5]».

 

Supports/Surfaces, c’est une génération d’artistes qui, à la fin des années 60, explore une voie artistique inédite, entre tradition et compréhension de l’apport de l’école de New York et de l’expressionnisme abstrait américain qui venait de bousculer la scène artistique européenne, et a fortiori française. On se souvient du choc qu’avait provoqué la remise du Grand Prix de la Biennale de Venise à Robert Rauschenberg en 1964, faisant de lui le premier récipiendaire américain de ce prix si prestigieux et actant la fin de la suprématie artistique européenne prévalant jusqu’alors. 

 

Les artistes de Supports/Surfaces, en effectuant un processus de déconstruction du tableau dans sa conception traditionnelle, l’œuvre déshabillée du châssis, du pinceau, mettant la main de l’artiste à distance, et par là même l’expressivité de l’auteur, cherchaient à renouveler l’approche de la création. « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes (…). D’où la neutralité des œuvres présentées, leur absence de lyrisme et de profondeur [6] », peuvent-ils par exemple déclarer en 1969.

 

Pincemin, autodidacte et préférant la pratique aux querelles théoriques et esthétiques éprouve pour sa part un grand plaisir de peintre. A partir de 1970, il poursuit les recherches entamées avec les Carrés-Collés, simplifiant les principes de construction du schéma d’ensemble, et donnant naissance à ce que seront les Palissades. De longues et larges bandes de toiles sont découpées, peintes ou passées dans des bains de peinture dont l’utilisation se généralise alors, puis assemblées ensemble selon une trame orthogonale, donnant cette apparence de palissade. Le travail sur la couleur, texturée, avec des jeux de densité, de brillance, de reflets, contient selon les mots précis de Philippe Dagen « Trop de volupté à nu, trop de jouissance dans le travail de la matière (comme on dit travailler au corps) [7]», pour rejoindre l’idéal de déconstruction, de « contre-peinture » prôné par Supports/Surfaces. En 1973, lassé par de nouveaux conflits théoriques et l’orientation hyper politique du groupe auquel Louis Cane et Marc Devade impriment un rythme polémique à travers la revue « Peinture Cahiers Théoriques », Pincemin prend ses distances avec ce qui – « dernière avant-garde » reprenant l’expression de Catherine Millet, aura profondément marqué la création artistique française de son temps, mais plus encore le travail des générations suivantes.

 

 

STABILITE

 

« Je ne suis pas un obligé de la peinture [8]» déclarait Pincemin, lequel ne s’attendait certainement pas à se retrouver pris dans ce qui se dessine alors comme un début de parcours artistique. Cette primauté du geste brut sur la modélisation théorique le rapproche des démarches des expressionnistes abstraits de l’école de New-York – notamment de Franz Kline dont le travail plait beaucoup à Pincemin –, bien que sa curiosité et sa compréhension intime de l’art, enrichie par l’étude de textes et la fréquentation assidue d’expositions contribue à former une perception intellectuelle claire de son travail.

 

Composition et couleur forment dans ses œuvres des années 70 les deux pôles structurant ses peintures. On l’a dit, Pincemin développe au début de cette décennie son système des Palissades. La division orthogonale de ces œuvres donne une grande stabilité à la surface peinte. Les bandes de toiles, assemblées entre elles par de la colle dont la couleur – souvent noir - délimite par des cernes chaque unité formelle et participe d’un ensemble comme architecturé, « la toile est, un peu comme au XVe siècle italien, un petit morceau d’architecture avec un haut et un bas [9]». Ce souci de construction de l’espace pictural est un élément central de ses recherches esthétiques. Si cela s’inscrit dans une mise en scène des signifiants picturaux (format, support, surface, couleur, geste) renvoyant à des concepts qu’il avait pu manipuler pendant ses années Supports/Surfaces, c’est aussi une manifestation évidente de l’importance qu’il accorde à l’ordonnance de l’espace de la toile, clairement défini, et organisant la couleur. 

 

Parlant de Véronèse dans un entretien avec Sylvio Acatos en 1979, Pincemin évoque les principes de construction qui organisent ses œuvres « … chez Véronèse, il y a un souci de la construction préétablie ; le décor architectural joue à peu près le même rôle que ma division assez codifiée de l’espace. Après tout, le travail va consister en ceci : s’efforcer de parvenir à un maximum d’éclat entre plusieurs couleurs. Souvent je n’utilise que deux couleurs ; j’ai beaucoup de difficultés à atteindre la justesse avec deux couleurs. (…) Mais je vise à ce maximum d’éclat, pour avoir un maximum d’intensité, un maximum d’émotion [10]». 

 

On trouve aussi parmi les racines de cette sensibilité les recherches des minimalistes, notamment Carl André, le plus physique des conceptuels, dont le travail est connu et observé de Pincemin qui est sensible à la façon dont ses œuvres se rapportent à l’architecture, et à cet encrage physique au réel animant les constructions de l’américain. Réside peut-être ici un goût partagé pour la monumentalité de l’œuvre, qui « agit » physiquement, pesant de tout son espace pictural sur le réel, et donnant à la couleur la place nécessaire pour affirmer sa pleine présence. Une présence révélée. Jamais en aplat, toujours extrêmement travaillée. Des couleurs profondes, extraites du cœur de la fibre de la toile par un travail de bains successifs. Des sous-couches sombres lui permettent de jouer sur la densité et de créer des effets de transparences et de texture.

Rappelons que dans le milieu des années 70, les revues d’art, notamment Art Press ou Artforum sont largement diffusées dans les milieux artistiques. Bien que produisant un discours critique sur les peintres américains, et notamment l’Expressionnisme Abstrait, l’École de New-York ou le mouvement minimaliste émergeant, leurs œuvres sont alors largement diffusées et commentées, et Pincemin, observateur attentif de ces revues, s’il n’est alors jamais allé aux États-Unis, connaît les recherches artistiques se développant outre-Atlantique.

 

 

 

 

En 1976, il lui est offert une exposition personnelle au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris organisée par l’ARC2[11]. Certaines de ses nouvelles toiles dépassent les 6 mètres de large. En présentant des Empreintes et Carrés-Collés à côté des œuvres récentes, cette exposition illustre à quel point la couleur prend une place de plus en plus importante dans son travail. Les couleurs, la plupart du temps d’une grande sobriété, sont pourtant extrêmement travaillées, et chaque toile de Pincemin étonne par la variété inouïe de teintes et de nuances.

 

Car si les premières Palissades pouvaient être structurées avec jusqu’à vingt ou trente bandes de toiles, on observe progressivement une simplification nette de leurs structures. « Le point commun de ces toiles était le fait qu’elles étaient découpées, peintes, et recollées et que le contour, précisé de plus en plus, devenait le format non extensif du tableau [12]» explique-t-il à propos des œuvres du milieu des année 70. Car en effet, jamais celles-ci ne sont des « all over » à la manière de certaines œuvres des Expressionnistes Abstraits américains. Il y a toujours une bordure, une sorte de cadre peint, laissant parfois voir le travail de fond, le passage des couches successives. Délimitant clairement l’espace pictural, cet « espace d’indifférence » comme il l’appelle témoigne de l’attachement du peintre à une certaine conception de la surface picturale comme espace délimité.

 

La partition des compositions de Pincemin se veut cadastre. D’abord partition « physique », par des bandes de toile découpées, peintes, et assemblées, elle devient « graphique » à partir la fin des années 70. Ces œuvres alors peintes sur toile sur châssis, sont organisées par un dessin orthogonal dont les recherches préparatoires se font sur papier millimétré. A l’intérieur de ces parallélépipèdes, les surfaces internes sont modifiables à l’infini, et les proportions exactes de l’ensemble transposables dans d’autres formats.

 

On pourrait presque voir ici une forme de classicisme conceptuel qu’entretient Pincemin avec le tableau-support. Dans l’entretien réalisé par Bernard Lamarche-Vadel en 1980, Pincemin met l’accent sur l’importance de ses réflexions quant à l’organisation de l’espace peint : « Le dessin, c’est la division de la toile en espace qui fait que la toile n’est pas une surface, mais plusieurs surfaces. La référence de cette peinture là c’est une bonne partie de la peinture classique et aussi des gens comme Tàpies et Rothko [13] ».

 

Jusqu’en 1986 – nous en reparleront plus loin – la peinture de Jean-Pierre Pincemin est non-figurative. Les recherches de Mondrian quant aux rapports surface /couleur ont été observé attentivement. Cette approche de l’abstraction est trop théorique, trop arrachée au réel pour Pincemin, « Il m’a souvent influencé sans jamais me convaincre [14]»., trop déshumanisé pour celui qui entretient une relation charnelle, jubilatoire à la couleur. « La peinture de Mondrian n’est intéressante que si l’on ne s’en satisfait pas et si l’élan de l’imagination nous conduit au désir de la transformer [15]».

 

C’est à cette époque qu’il acquiert une reconnaissance nationale, voir même internationale. Les moyens de peindre ne sont plus limités comme quelques années auparavant, et, illustrant le glissement coloriste qui s’opère chez lui, le travail de la couleur supplante celui du support. On voit réapparaitre les toiles sur châssis, mais également le pinceau, et la peinture à l’huile. Ce « retour » aux outils et supports que l’on peut considérer « classiques » de la pratique de la peinture, est aussi une façon de repousser les limites de ses recherches. « J’ai besoin d’avoir des certitudes, et pour avoir des certitudes, je creuse ce qui existe [16]».

 

 

 

 

En 1982 et 1984, deux expositions données à la galerie de France présentent les œuvres récentes de l’artiste, (« Plus d’opposition plus d’éclat », décembre - janvier 82 et « Le jour après », mai-juin 84) et mettent en évidence des toiles allant au bout des principes qui avaient animés les Carré-Collés et les Palissades. Les compositions orthogonales sont encore simplifiées, épurées jusqu’ à n’être composées que de trois bandes de dimensions semblables, disposée verticalement ou horizontalement et comme encadrées par un assemblage de fines sections de bois peint. Deux grands tableaux blancs montrés lors de l’exposition de 1984, frappent par l’extrême manifestation de tous les principes qui animent la peinture de Jean-Pierre Pincemin. La géométrie de la composition est poussée à l’extrême, (division en carrés suivant le multiple 3), la surface peinte d’un blanc aux nuances ineffables, et ne reste alors sur la toile « que les schémas compositionnels qui, privés du sujet, pardon du thème, disent enfin le sujet [17]». On rejoindrait ici une dialectique de l’abstraction telle que décrite par Heidegger dans Holzwege : « Il s’agit dans l’œuvre non pas la reproduction de l’étant particulier qu’on a justement sous les yeux, mais plutôt la restitution en elle d’une commune essence des choses ».

 

Pincemin démontre au cours de ces deux expositions que c’est un peintre qui va au bout de sa peinture, il la creuse, en explore l’essence profonde, comme pour en tirer ce suc, cette substance pure de la création. Peints et non plus collés entre eux, les différents espaces picturaux gardent le principe d’assemblage qui avait animé les palissades. Mais cette main qui peint se fait discrète et se dissimule derrière une multiplication de couches de peinture qui induit deux choses : une picturalité exacerbée, créant des effets de brillance tendant à l’opalescence, une densité extraordinaire, et un « temps de peindre » transformé par l’exigence de patience que réclame la peinture à l’huile. 

 

« J’ai rêvé de tableaux dont l’élaboration serait longue et pour cela maintiendrait une tension, un principe où le temps qui par vocation est érosif, construirait. Certaines de mes peintures nous entretiennent de cela, comme un bateau nous entretient de la mer [18]». Plus encore que les premières palissades, les œuvres de la première moitié des années 80 sont l’instrument, l’outil d’une introspection par la peinture, espace de méditation, de questionnement. Les mots d’Alain Bonfand - dans une ekphrasis merveilleuse[19] - disent cet « invisible qui irrigue le visible jusqu’à le rendre palpable ».

 

L’exposition de 1984 à la galerie de France est aussi le lieu où apparaît publiquement la première sculpture de Pincemin depuis celle exposée au Salon de la Jeune Peinture en 1976. Monumental assemblage modulaire de béton de 11 x 1,60 x 1,80 m, pesant près de 10 tonnes, contrainte par l’espace de la galerie pour laquelle elle est spécifiquement conçue, cette œuvre préfigure de grands bouleversements dans le travail de Pincemin. 

 

Pincemin avait été absent du vernissage de l’exposition de 84. Il commençait à avoir des problèmes de santé qui l’obligèrent à quelques séjours à l’hôpital. De « petits malheurs » selon ses mots, « après une aussi longue absence, je ne me sentais pas capable de peindre comme avant [20]». Les œuvres sur papier, parsemées de signes nouveaux figurants dans l’accrochage de 1984 témoignent eux aussi des changements en cours. Des choses étaient à l’œuvre dans l’intimité de la création de Pincemin, des choses qui allaient redéfinir profondément l’état de son travail. La sculpture en béton, les dessins recouverts de signes nouveaux, sinueux, était là pour nous prévenir. La quintessence formelle du grand tableau blanc marquait la fin d’un chapitre, « après le silence blanc de ce tableaux, Pincemin ne peut plus peindre alors autrement qu’entre les lignes [21]».

 

 

RENOUVELLEMENTS

 

Si la perfection formelle des grands tableaux blancs présentés en 84 marque la fin d’un chapitre, des changements, des agitations animent les ateliers de Pincemin dès le début des années 80, et préparent l’éclosion d’évolutions picturales profondes.

 

On l’a vu, les compostions de Pincemin sont fondées jusqu’alors sur l’utilisation de la grille, une trame fondamentale sur laquelle il assied une stabilité immuable de ses œuvres et conférant à celles-ci une dimension abstraite intemporelle. Néanmoins, dès 1979, Pincemin commence à malmener cette grille. Et c’est la gravure – technique pour laquelle il est parfaitement autodidacte – qui sera l’outil de ces recherches.

 

C’est par l’intermédiaire de Jacques Putman, éditeur et critique d’art, que la gravure se révèle à Pincemin. En 1981, la galerie de France lui en demande une pour sa carte de vœux de fin d’année. S’il reprend les principes de compostions des carrés-collés, le trait, creusé à la pointe sèche sur plexiglass est déjà moins sec, plus sinueux. « La gravure est venue au moment où je cessais d’être un peintre analytique. J’étais à la recherche à la fois d’un nouveau support qui m’aurait permis d’échapper à la rigueur de la géométrie très présente dans ma peinture et qui soit aussi un élément de réflexion pour faire de la gravure [22]».Conscient de la répétition qu’il y a dans l’invariant géométrique, amoureux de la peinture, curieux de tout, en quête constante de découverte, Pincemin éprouve alors le désir d’explorer d’autres voies, d’autres chemins.

 

Débarrassé de la couleur, la forme est libérée. Longuement, patiemment, Pincemin expérimente, joue avec les possibilités nouvelles offertes par cette technique. Lui qui jusque alors avait subordonné la ligne et la couleur à la grille orthonormée, le voici qui la fait éclater. Progressivement, les lignes droites se font irrégulières, deviennent diagonales, arabesques enfin. Pincemin puise dans la gravure un nouveau répertoire de formes, exploration jubilatoire d’images de toutes sortes. « Je puis dire que j’ai appris à peindre en faisant de la gravure, et à renouveler un matériel iconographique contenu dans l’image [23]».

 

L’œuvre gravée de Pincemin se densifie vraiment à partir de 1984. Quelque temps avant la présentation de l’Année de l’Inde dont nous reparlerons, une série de 25 gravures, ayant pour thèmes des éléments floraux, des animaux, porte en gestation les éléments formels qui s’incarneront en peinture en 1986. La gravure, par la liberté qu’elle offre, sa rapidité d’exécution, va devenir pour Pincemin le lieu privilégié de ses recherches les plus fondamentales. Laboratoire de formes, elle est marqueur des changements, des humeurs, des tensions parfois, qui animent la sensibilité du peintre. En 2001, Pincemin déclarait « la gravure est la part la plus authentiques, la plus intime… Le principe de découverte que j’adopte est l’espérance des renouvellements et des inventions... Si vous voulez connaitre ma vie, regardez les gravures [24]». Lui-même les regardait attentivement, comme on se plonge dans des carnets de notes pour faire le point sur les mois, les années qui viennent de s’écouler, et mieux envisager l’avenir. Marion Daniel dans Le tout petit motif, nous rapporte cette anecdote. Pincemin avait disposé en 1997 sur le sol de son atelier toutes les gravures qu’il avait réalisées depuis 1997 : « il voulait montrer une nouvelle étape de son travail. L’ambition « pédagogique et anecdotiques », était d’écrire le journal d’une œuvre toujours mobile, qui répond à l’une des poétiques énoncées par Henri Focillon : c’est « un arrêt, mais nait d’un changement et elle en prépare un autre [25]».

 

Déjà à l’occasion des expositions de 1982 et 1984, cette prise de liberté avec la trame se manifestait – discrètement – avec ces œuvres sur papier,  qu’il appelle « peintures incluant l’ordre des chiffres » : des chiffres, de 1 à 5, ou de 1 à 7, sont reliés entre eux par des traits : « Ces petits papiers aux tracés noirs rehaussés de blanc, vert et bleu ciel, montraient plusieurs formes nées de la relation d’appartenance, de l’inclusion, etc.., comment plusieurs configurations (les chiffres)) circonscrivent une manière de parcours tantôt bouclé, tantôt ouvert et décident ainsi du plein et du vide. On se souvient du jeu de joindre des points afin qu’une figure apparaisse au bout du compte [26]». Cette liberté du geste, ici, aidé par le prétexte du jeu des chiffres, acquiert rapidement son indépendance. 

 

 

 

 

On sait que Pincemin avait une admiration sans borne pour Charlie Parker. Cette figure de référence pose la question de l’influence du jazz dans sa peinture. Comme un musicien qui, se libérant de la partition, improviserait autour du thème. On sentirait presque des percussions dans l’explosion de la trame en cours, d’abord dans ses gravures, puis dans ses toiles à partir de 1985. Les couleurs entrent en conflit, des stridences apparaissent, le geste est là, visible, la main de l’artiste affirmée.

 

Pincemin parle de ces nouvelles peintures qui arrivent à partir de 1985 réellement comme lui faisant l’effet d’une boule de billard qui rebondirait sur les bords de la table de jeu. « Tout ça s’est fait très lentement, parallèlement au travail de peinture qui se poursuivait. Il n’y a pas eu de « problème métaphysique » du peintre dans cette façon de passer de l’un à l’autre puisque tout s’est fait naturellement [27]». Dans un tableau de septembre 85, les lignes sont brisées, des arrêtes visibles, la peinture et abondante, texturée, travaillée en épaisseur. Plus de règle apparente de construction, l’énergie du geste jaillissant est rendue visible. Cette œuvre de 85 est une des toutes premières manifestations en peinture du travail entamé en gravure d’émancipation de la trame.

 

L’exposition « L’Année de l’Inde » tenue du 28 janvier au 18 février 1987 à la galerie de France démontre l’ampleur des évolutions qui animent les ateliers de Jean-Pierre Pincemin. Les 15 toiles exposées, toutes autours de 2 x 2 m témoignent de façon nette du glissement de l’abstrait pur au figuratif. Pincemin puise dans l’iconographie du folklore indien – qui est cette année-là l’objet d’échanges culturels avec la France – son premier répertoire de formes clairement interprété en peinture (éléphants, arbres, feuilles, vagues, oiseaux, étoiles, etc..). Cette tentation figurative à laquelle il cède n’est pas « illusionnisme » pour autant. La facture épaisse, les figures, esquissant des images schématiques, la liberté des couleurs aussi, jamais les formes de Pincemin ne cherchent à reproduire le réel. Elles s’y accrochent plutôt, ouvrant des perspectives sur un imaginaire débordant : « mon problème a toujours été d’obtenir sur la surface du tableau un point d’équilibre entre la présence d’une image et son absence, une proposition qui puisse être reconnue mais dont l’identification soit aussi contrariée [28]».

 

On retrouve ici un sens de la synthèse picturale, du lyrisme formel que Pincemin admire dans la peinture du siècle d’or espagnol - plus analytique que la rigueur de la perspective albertienne qui irriguera la peinture italienne -, mais surtout dans la peinture de Goya, qui à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, propose une liberté formelle, une audace dans la représentation de plan simultanés qui fascinent Pincemin « Une image chez Goya est à même de forcer l’imaginaire, de le conduire à sortir de la stricte représentation [29]».

 

 

 

 

Après 1986, sa peinture acquiert une liberté absolue. « Le regard du peintre s’est posé, une fois pour toute, sur l’espoir d’une dimension sauve de la peinture, sur la compréhension des formes, de leur inférence et occurrences [30]», et c’est toute sa créativité que se démultiplie. Libre enfin de toute entraves théoriques ou pratiques. Sculptures, gravures, dessins, peintures, les formes, les compositions, les techniques même témoignent d’une jubilation créatrice. Mélange de pigments, de couleurs diverses, parfois récupérées, résidus de colles, peintures de carrosseries, ces « couleurs trouvées » selon son expression et qui participent d’une « science de la matière [31]», tendant à l’artisanat quant à son travail de sculpteur. 

 

On l’a vu, Pincemin présente en 1984 une sculpture monumentale en béton à la galerie de France. Dans un entretien avec Chantal Beret[32], il déclarait « J’ai d’abord pensé que je voulais être sculpteur », et on se souvient qu’il avait participé au Salon de la Jeune Sculpture en 1967. Le processus de libération de la trame, d’exploration de nouveaux motifs, entamé avec la pratique de la gravure l’amène à explorer ces formes nouvelles en trois-dimensions.

 

Après la présentation de l’Année de l’Inde, les assemblages sculpturaux se multiplient. Témoignant de son sens de l’artisanat, ces constructions utilisent des planches de bois de récupération, découpées en planchettes et agrafées ensemble. Les couleurs usées des planchettes donnent à ces « constructions » des teintes inimitables. En suggérant par sa définition dans l’espace des formes complexes, synthétiques, et matérialisant l’agrégation matière / couleur, les sculptures de Pincemin sont indissociables de certaines de ses toiles : « Si je veux savoir ce quel est l’objet de ma peinture, alors que j’en fasse une sculpture ! [33]». Les formes viennent de gravures, se matérialisent en sculptures et se transmuent en peinture, ou inversement. Une série de tableaux « Children’s Corner », ou des sculptures sont clairement identifiables, illustre le jeu des formes et de leur interprétation dans l’espace à l’œuvre dans cette pratique, et dont le titre même de la série met l’accent sur sa dimension ludique. 

 

 

JUBILATION

 

Le changement comme principe guide les recherches plastiques de Pincemin. Déclarant en 83 « Tous ces tableaux ne sont qu’une approximation. Je manque de science mais j’essaie toujours ce que je ne sais pas [34]», l’œuvre de Pincemin se fait au cours des années 80 plurielle, labyrinthique, faite d’allers-retours, de reprises, de superposition, de découvertes incessantes. Le chemin plutôt que le but, le renouvellement pour la liberté, l’artiste explorateur qu’il évoque en 96 : « La nécessité de trouver des points d’appui pour le renouvellement des formes exige pour l’artiste des qualités d’explorateur ; d’abord ignorer la forme la plus communément employée par lassitude, ensuite par distinction dessiner autrement le paysage et connaître d’autres cartes. Les autres cartes ne sont pas des îles au trésor, ignorées ou oubliées, elles n’ont pas pour autant plus de vertu que les autres ; elles laissent pour un temps l’espérance de la découverte [35]».

 

Une fois libéré de la trame, son œuvre se démultiplie, même si des permanences de style se dégagent : facture épaisse, peinture travaillée par strates, couleurs composées, traits sinueux, attachement à la toile-cadastre et au cadre / bordure peint. Jamais frénétiques, les œuvres de Pincemin, bien au contraire, sont déterminées et dense. Les couleurs toujours très nuancées et travaillées, inimitables, et les teintes les plus froides à celles incandescentes, toujours frappent l’œil par leur évidence terrible. 

 

Après « l’Année de l’Inde », si les motifs se diversifient considérablement, Pincemin n’abandonne pas pour autant l’abstraction. On voit réapparaitre régulièrement les compostions tripartites, dont il décline les formats, mais aussi de nouvelles compositions abstraites, figurant carrés ou cercles, où l’on retrouve l’esprit de construction et la planéité d’une surface architecturée - qui caractérisait les palissades et les compostions à trois bandes - démontrant un intérêt prononcé pour la colorimétrie : distinction spectrale de la couleur définie par la teinte, la saturation et la luminance. Ces schémas utilisant les sphères de couleur ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les sphères colorimétriques de Runhe ou celles de Nipkow.

 

Poursuivant son exploration de formes figuratives, apparaissent dès 1988 des sujets religieux (Marie Madeleine, saint Christophe, saint Roch, saintes Radegonde, etc..). Là encore, la gravure sert d’outil de recherche. Par exemple, on trouve une gravure de 1992, où Pincemin se figure en Moise face à face avec Saint Pierre, dans une composition héritée directement d’une gravure de Jean Duvet (1485 – 1560), dit le Maitre à la Licorne. Dix ans plus tard cette gravure est interprétée en peinture (Sans Titre (Moise et Saint Pierre), 2002, 127 x 88 cm) : un assistant projette sur la toile l’image de la gravure, dont le dessin inversé est reporté. Ce procédé de diapositives projetées sur la toile dont Pincemin dessine les contours agrandit sur toile sera courant. En jazzman, Pincemin utilise un thème (la gravure préalable) et le réinterprètes avec variations. Ces « thèmes », dont le répertoire forme œuvre, est particulièrement évident dans ce qu’il appelle son « musée de poche » : Pincemin se constitue au fil du temps une collection d’œuvre de petit format, réductions de ses toiles préférées.

 

Outre ces sujets religieux, on voit apparaitre dans les années 90 toute une multitude de sujets : des Créations du Monde, des Danses Macabres, des Chasses au Tigre, des sujet érotiques même. Toute cette diversité quant à ces influences (iconographiques religieuses classiques, exotiques avec les représentations de Vierge héritées de l’iconographie byzantine, où les images venues d’Indes (bestiaire, éléments floraux, etc..), participe d’une réinterprétation de sujets issus de l’iconographie classique de l’histoire de l’art Européen, mais aussi à d’autres, appartenant à des cultures étrangères. A l’instar de la plupart des peintres de sa génération, Pincemin se réfère ainsi directement aux maitres anciens dynamitant toute idée de distinction art moderne / art classique. Sa curiosité, son désir de liberté, d’exploration ne se soumet à aucun carcan. Parlant de Rimbaud, les mots de Pincemin expriment cette soif de liberté : « Ce qu’il y a d’extraordinaire chez Rimbaud, c’est qu’il possède naturellement cette faculté qu’on les enfants de coller des hasards ensemble, d’en faire des évidences. Mais il faut pour cela être habité par une soif de liberté extraordinaire. C’est cette liberté là que je cherche [36]».

 

Cet intérêt pour l’histoire de la représentation et l’exploration sans entrave de schémas préétablis dans sa pratique artistique rejoint la curiosité immense du peintre et son besoin intime de renouvellement formel : « Le principe de découverte que j’adopte est l’espérance des renouvellements et des inventions. Cette pratique à l’avantage de faire reculer s’il se peut toute rhétorique, de ne rien fixer. Le peintre est « naïf », il est innocenté et sans mérite. Insatisfait, il se déplacera pour d’autres préférences « spéculant sur les chances et les surprises que les arrangements de cette sorte nous réservent » (Paul Valery) [37]»

 

 

 

 

Jusqu’aux dernières années de sa vie, il expérimente, toujours, inlassablement. Ses dernières toiles, sorte de labyrinthes bicolores, sont peintes avec un mélange de gélatine de bovin, de sucre de cannes et d’eau, chauffé à ébullition. Le mélange obtenu est étalé sur la toile avec de larges brosses. Une fois sec, l’artiste trace sur cet apprêt des formes sinueuses à la peinture glycérophtaliques. Ces opérations sont renouvelées plusieurs fois, avant que de grands volumes d’eau bouillante soient renversés sur la toile, faisant fondre la gélatine, et dévoilant des réseaux labyrinthiques complexes à travers les épaisses couches de matière.

 

Ces aller-retours entre l’abstraction et la figuration, l’abondance de sujets, techniques, ont beaucoup dérangés le public. S’il avait acquis dans la seconde partie des années 70 une notoriété importante, la démultiplication de son travail au début des années 80 et l’abandon de l’abstraction stricte a pu surprendre, voire laisser circonspect une partie des observateurs. Provocateur, à la « nonchalance intransigeante », selon l’expression de Jean-Marc Huitorel, Pincemin déclarait en 1986 « Il faut changer, on ne peut pas continuer à faire la même chose indéfiniment [38]».

 

Car c’est là que réside une des clefs de son œuvre. Ce courage, cette liberté, cette impertinence presque, de ne se laisser enfermer dans aucun carcan artistique, dans aucun style. Pincemin est un explorateur, naviguant librement, et prenant, toujours, un plaisir immense à peindre et à créer : « Je ne saurais me passer de la peinture comme lieu de volupté [39]». L’art de Pincemin existe dans l’universelle mythologie de l’artiste. A une époque où beaucoup de jeunes artistes se sont inscrits dans des phénomènes de surface, ont rejoints des écoles, des groupes, embrassant des théories, Pincemin lui n’est guidé que par la force de son intériorité, et un plaisir jubilatoire éprouvé dans les pratiques créatrices. Non pas reflet de systèmes artistiques éphémères, son œuvre, s’attachant à un intemporel créateur, porte en elle toutes les images d’une mémoire, images inexplicables et évidentes. Images glanées çà et là, collectées au fil de ses recherches, comme s’il avait fait sienne la recommandation d’André Breton : « Lâchez tout. Lâchez la proie pour l’ombre. Lâchez au besoin une vie aisée, ce qu’on vous donne pour une situation d’avenir. Partez sur les routes », et était lui aussi, parti explorer les mystères des Arts, et saisir les joies indicibles que ces chemins procurent aux esprits curieux. 

 

 

 

 

 

 



[1] Jean-Pierre Pincemin, Monkey Business, Chambéry, Ed. Comp’Act, 1998.

[2] Ibid.

[3] Lamarche Vadel (Bernard), Pincemin (Jean-Pierre), « Je peins sous les ordres de Véronèse », Égoïste, n°5, 2trimestre 1980.

[4] Dagen (Philippe), Huitorel (Jean-Marc), Mozziconacci (Jean-François), Jean-Pierre Pincemin, Épiphanie, musées de Mantes-la-Jolie, Montbéliard, Ajaccio et Angers, 1996.

[5] Dagen (Philippe), Huitorel (Jean-Marc), Mozziconacci (Jean-François), Jean-Pierre Pincemin, Épiphanie, musées de Mantes-la-Jolie, Montbéliard, Ajaccio et Angers, 1996.

[6] Déclaration du groupe lors de l’exposition La peinture en question, au musée du Havre, 1969.

[7] Millet (Catherine), « Table ronde avec Louis Cane, Daniel Dezeuze, Claude Viallat : support(s) – surface(s), la dernière des avant-gardes ? », Art Press, n°154, janvier 1991

[8] Bonfand (Alain), Enrici (Michel) et Rose (Barbara), Jean-Pierre Pincemin, coll. « État des lieux », Ed de la Différence et Centre Culturel et artistique d’Aubusson, avril 1986.

[9] Lamarche Vadel (Bernard), Pincemin (Jean-Pierre), « Je peins sous les ordres de Véronèse », Égoïste, n°5, 2trimestre 1980.

[10] Acatos (Sylvio), Entretien avec J.-P Pincemin, Construire, Zurich, avril 1979.

[11] « J.-P. Pincemin, Peintures avril-juillet 76 », ARC2/ musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Paris, 5 novembre - 5 décembre (cat).

[12] Réol (Jean-Marc), Entretien avec J.-P. Pincemin, musée Sainte-Croix, Poitiers, 1981.

[13] Lamarche Vadel (Bernard), Pincemin (Jean-Pierre), « Je peins sous les ordres de Véronèse », Égoïste, n°5, 2trimestre 1980.

[14] Bonfand (Alain), Enrici (Michel) et Rose (Barbara), Jean-Pierre Pincemin, coll. « État des lieux », Ed de la Différence et Centre Culturel et artistique d’Aubusson, avril 1986.

[15] Ibid

[16] Lamarche Vadel (Bernard), Jean-Pierre Pincemin, Paris, Christian Bourgeois, 1980.

[17] Bonfand (Alain), Enrici (Michel) et Rose (Barbara), Jean-Pierre Pincemin, coll. « Etat des lieux », Ed de la Différence et Centre Culturel et artistique d’Aubusson, avril 1986.

[18] Malric (C.), « Entretien avec Jean-Pierre Pincemin », Revue du Centre d’arts contemporains, saison 1986-87, Orléans, 1986.

[19] Bonfand (Alain), Enrici (Michel) et Rose (Barbara), Jean-Pierre Pincemin, coll. « État des lieux », Ed de la Différence et Centre Culturel et artistique d’Aubusson, avril 1986.

[20] Bonfand (Alain), Enrici (Michel) et Rose (Barbara), Jean-Pierre Pincemin, coll. « État des lieux », Ed de la Différence et Centre Culturel et artistique d’Aubusson, avril 1986.

[21] Ibid

[22] Sauvigneau (Pascale), Le Saux (Marie-Françoise) et Sourd (Gérard), Jean-Pierre Pincemin, gravure 1971-1997, catalogue raisonné, t. 1, Ed. Somogy/ musée de la Cohue, Vannes, 1998.

[23] Jean-Pierre Pincemin, Monkey Business, Chambéry, Ed. Comp’Act, 1998.

[24] Bonnefoi (Christian), Laks (Déborah), Lamarche-Vadel (Bernard), Jean-Pierre Pincemin, 1944 -2005, Ed. Gallimard, 2010.

[25] Daniel (Marion), Jean-Pierre Pincemin, le tout petit motif, Ed. Cardinaux, Châtellerault, juin 2007.

[26] Dalla Fior (Louis), Répertoire d’une œuvre, peinture et sculpture de J.-P. Pincemin, Ed. J.-P Pincemin, 1988

<a href="applewebdata://1E1ED1E0-DD0A-4C5D-A7AC-2C24F2CBF392#_ftnref27" title

Release November 2021