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La Galerie Dutko a le plaisir de présenter du 15 février au 8 avril 2023 une exposition d’oeuvres de l’artiste français Christian Sorg. Pour la seconde exposition personnelle de l’artiste avec la galerie, après Surgissements en 2021, une quinzaine de peintures récentes seront présentées dans l’espace du 17 quai Voltaire. Un catalogue, avec une préface de Sylvain Amic et un texte d’Élizabeth Couturier, sera édité à cette occasion.
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« La peinture l’emporte sur tout. Elle guide malgré les intentions premières. » explique Christian Sorg lorsqu’il me montre dans l’atelier la sélection de tableaux réalisés entre 2013 et 2023, celle présentée aujourd’hui dans cette exposition : « j’arrive toujours sur quelque chose d’inattendu », ajoute-t-il avec des éclairs dans les yeux.
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Seul un peintre de sa trempe, après de longues années passées dans l’atelier, peut se permettre ce genre d’aveu. Laisser le dernier mot à la peinture n’est pas chose facile. Sorg connait le poids de l’héritage et sait les échappées risquées. Duchamp avait trouvé la parade en préférant la philosophie, les jeux de mots, les objets-sculptures. Gauguin, lui, était allé chercher ailleurs un nouvel élan, en Bretagne puis en Polynésie, auprès de populations entretenant encore un rapport magique avec les forces obscures. L’artiste rebelle déclarait : « la grosse erreur, c’est les grecs ». Leur idée de la beauté, lignes harmonieuses et imitation fidèle à la nature, constituait, à ses yeux, un terrible carcan. Il disait aussi : « voyez-vous, j’ai beau comprendre la valeur des mots-abstrait et concret-dans le dictionnaire, je ne les saisis pas en peinture ». Des réflexions que pourrait reprendre à son compte Christian Sorg tant ses toiles paraissent s’affranchir de la mimesis. Pourtant, souligne-t-il : « Toutes mes peintures sont liées à un motif vécu ». Son dessein ? Transmettre picturalement son ressenti face à un paysage, un ciel changeant ou des plantes sauvages, longuement observés. Émotionnellement éprouvés.
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Traduire l’irréductible présence des choses qui nous entourent. Capter le rapport invisible et essentiel qui nous relie à elles. N’était-ce pas déjà la quête de nos lointains ancêtres dessinant sur les parois des grottes préhistoriques ? Ces premières figures animalières jouant avec les accidents de la roche fascinent Christian Sorg qui a pu les admirer de près. Et s’interroger à propos de la mystérieuse pulsion qui poussa l’homme du Neandertal à représenter des créatures qui lui étaient proches. Question lancinante que ce besoin d’expression artistique inhérent à la condition humaine. Pour sa part, Sorg interroge cette énigme au travers de tableaux déclenchés par des motifs certes familiers mais qui ouvrent sur un espace plus large. Ils résultent d’une gestualité ample associée à des lignes irrégulières et à des formes concentriques ou hachurées. De l’utilisation des couleurs posées en couches superposées sur la toile brute, puis effacées par endroits, faisant advenir des transparences où s’engouffrent des tracées au oil sticks. Le tout rythmé par un rituel aléatoire composé de plages de repos et de reprises. La peinture décide du point final. Un contrôle sans contraintes, et des surfaces grands formats qui respirent et nous aspirent.
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Pour finir, une exposition avec deux versants complémentaires. Côté solaire, figurent des toiles aux titres explicites : « Avec le ciel », « Face à la mer » « L’olivier » « Saule » « Le rouge des fraises » et aussi la magnifique suite intitulée « Calcicole », nom donné à des plantes qui poussent sur du calcaire. On les retrouve à Fontenille, en Bourgogne, où se situe l’atelier de l’artiste et à Calaceite en Espagne, lieu de villégiature et de travail. Autant de motifs passés au filtre de l’acuité visuelle et sensible du peintre. Il les réinvente sous forme de taches colorées, de dégradés subtils ou d’associations pigmentaires électriques, révélant ainsi une énergie primitive bouillonnante, au point que les mélanges paraissent se faire sous nos yeux. Et ces compositions tout en mouvement et fluidité nous transportent, par exemple, au cœur de la course des nuages, au milieu de branches secouées par le vent, à la hauteur de fleurs printanières fraichement écloses. Une allégresse partagée. Corps et âme.
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Et puis il y a l’autre versant, celui des ombres et des signes. Des nuances de gris et de blancs. Des graffitis sombres ou colorés. Des compositions intitulées « Gris d’Arcy », « Suite rupestre pour El Cogul » ou encore « Peinture en fête ». Quis’enracinent directement dans les premières lueurs de l’art. Il y a des milliers d’années. La plupart ont été réalisées après les visites de l’artiste dans la Grande Grotte d’Arcy où il a pu longuement regarder les peintures et dessins datant de 28 000 ans. Ils n’ont pas pris une ride.
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Et ce voyage vers un passé toujours vivant nourrit les partitions chromatiques de Christian Sorg, tels des poèmes visuels en train de s’écrire. Le sentiment vertigineux d’approcher, au plus près, les profondeurs du geste créatif.
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Texte d’Elisabeth CouturierCritique d’art, Présidente de l’AICA France(Association Internationale des Critiques d’Art)
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